Biographie de John LYMAN

John Lyman et son modèle, autoportrait

 

BIOGRAPHIE

Documentant avec précision les travaux préalables à certaines huiles achevées, le dessin chez Lyman se concentre souvent sur son rôle préparatoire.

La précision du dessin est tributaire de son goût pour l’architecture, étudiée à Londres en 1908, il est vrai pour plaire à son père et le rassurer. La photographie nourrit également ses esquisses. Lyman travaille avec des photographes en 1916 pour son ouvrage inventoriant, aussi avec ses dessins, le patrimoine architectural des Bermudes. Ses esquisses au fusain ou au crayon gras démontrent une même propension dynamique à se saisir des masses en noir, gris et blanc et à repartir et démultiplier les points de vue selon des variations parfois très proches.

Lyman décrit en 1910 dans sa correspondance l'émotion ressentie lors de sa visite à l’atelier de Matisse à Issy-les-Moulineaux. Le choc qu’il éprouve le décide à s’inscrire à ses cours.

À la suite d’une première exposition en 1913 au Musée des beaux-arts à Montréal qui fait scandale, Lyman adopte Paris comme port d’attache. Reformé par l’armée canadienne, Lyman rejoint la Croix Rouge durant la Grande Guerre. À Paris, entre 1913 et 1931, il a comme amis James Wilson Morrice, Othon Friesz, Foujita, Zadkine, Matthias, Picabia, les frères Perret et parmi les écrivains, James Joyce, Jules Romain, Charles Vildrac et Gertrude Stein.

Son retour à Montréal fait souffler un vent nouveau. Face au Groupe des Sept, Lyman prône l’internationalisme s’insurgeant contre « les régionalistes qui ont abouti à des poncifs ». Comme critique d’art et organisateur d’exposition à la tête de la Société d’Art Contemporain, ce grand passeur des idées modernistes issues de l’Ecole de Paris tente de « déprovincialiser » l’art québécois et canadien.

Lyman repère et choisit par le dessin les angles d’attaque à privilégier dans sa peinture. Scrutateur ou méditatif, il lui arrive aussi de pratiquer le dessin comme moyen d’expression distinct. Rarement datées, ses esquisses reprennent quelquefois les mêmes thèmes ou sujets, répétant les mêmes motifs qui réapparaissent au fil des ans à côté de certains dessins avant peinture, quelquefois annotés avec des rappels écrits de couleur. Tout au long de sa vie Lyman puise ainsi idées et solutions, une manière de traiter par exemple le modèle vivant ou le thème des baigneuses. Il amalgame une même pose à d’autres contextes et certaines de ses trouvailles à plusieurs tableaux et ce, parfois à des dizaines d’années d’intervalle. Le dessin pour lui est une forme d’exploration de la peinture.

Sur les traces de Matisse, les dessins de Lyman montrent autant les contours que l’espace. La mise en place s’appuie sur les quatre côtés de la feuille. Le volume s’ajuste à la surface. Le blanc de la feuille ressort. Il participe activement à la composition. Les rapports entre formes, contours et espaces sont complexes. Il émane de cet équilibre une impression de calme et de ressourcement. Matisse et Morrice ? Cézanne ? Peut-être Whistler ? Certains ont décelé dans ses dessins et ses peintures des influences ou une proximité. Il s’agit surtout d’une façon de se relier à une même lumière, d’un esprit en commun ou d’une famille de pensée. « Un peintre n’a qu’un problème, écrit Lyman en 1946. Être lui-même ».

 

SUJETS / THÈMES

On a dit de Lyman qu’il était le peintre de l’intimité.

Le dessin nous plonge au cœur de l’attachement de ce « gentlemen peintre » pour le monde visible où, comme devant les plages de Saint-Jean-de-Luz et les dunes de Cape Cod, il lui est arrivé d’être totalement heureux.

Ses croquis d’odalisques, évoquent les longs séjours du couple Lyman à Hammamet en Tunisie à partir de 1919. Lyman reprend ce thème à Paris à la fin des années 20.

Puis, tout au long des années 20, il dessine des nus féminins sensuels à la posture osée ainsi que des poses non conventionnelles de jeune homme qui se déhanche.

Ces œuvres audacieuses se démarquent par une forme de cubisme analytique typique de l’École de Paris d’alors. Lyman dans ses dessins des années 20 a souvent recours à des athlètes ou des forains comme modèles.

Avec ces couleurs à la fois pastel et nacrées, très lumineuses mais jamais en haussant la note, si caractéristiques de l’art de Lyman, les pochades s’attachent à un paysage méridional alignant les troncs d’une pinède de Cagnes-sur-mer. Lyman y achète en 1922 la Villa Blanche. Là, comme aux Antilles et en Tunisie, il reçoit l’éblouissement de la lumière du Sud.

De même, les voiliers en arrière-plan reviennent à plusieurs reprises autant en esquisse qu’en peinture.

 

TECHNIQUE

« Demi-fauve » car « sans les tons explosifs »  comme l’écrit Gilles Corbeil », mâtiné de cubisme analytique mais aussi avec un aspect pour ainsi dire « classique », en partie lié au renouveau figuratif des années 30 qu’il devance, l’univers pourtant si personnel de Lyman témoigne aussi de l’hédonisme de la peinture française de l’entre-deux-guerres. Les dessins affichent à la fois réserve et sensualité. Célébrant comme naturelle une forme d’érotisme, les corps se libèrent.

Les paysages intemporels s’opposent à des marqueurs plus contemporains attachés aux effets de l’industrialisation ou de l’urbanisation. Selon le credo moderniste, Lyman insiste sur les éléments de la composition, si ordonnancée chez lui, et sur la primauté de la couleur et du langage pictural au détriment de tout message jugé « littéraire ». Sans l’avouer cependant, Lyman tente également de traduire les secrets d’une réalité plus intérieure où l’on pressent un peu de ce qu’il est, de ce qu’il perçoit de sa présence et de sa relation au monde. En ce sens son art ne va pas sans non-dits et une part de distance. « Paradoxe vivant » (3), Lyman reste difficile à cerner. Ce grand peintre de la clarté comporte sa part de mystère.

 

EXPOSITIONS

“Esquisses des années 20, 30, 30”, Galerie Valentin, Mai 2012

 

BIBLIOGRAPHIE

Chacun à leur façon, les critiques d’art ont approché le mieux sa peinture, parmi eux : Paul Dumas ; Gilles Corbeil ; Guy Viau et même le peintre montréalais Philip Surrey qui lui a consacré quelques textes ou plus près de nous Normand Thériault ; Louise Dompierre et Louise Déry.

 

D'après le texte de René Viau pour la Galerie Valentin




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